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Que savez-vous de l’évaluation ?


Les pratiques d'évaluation et de notation, on en parle. Mais que savez-vous vraiment ? Voici une petite évaluation (diagnostique) sur l'évaluation. Pour chacune des propositions, dites si vous pensez qu'elle est vraie ou fausse. Puis seulement regardez la réponse !

  • La note a été inventée pour classer les candidats à concours de sortie de Polytechnique

VRAI

Au début du 19e siècle, l’école Polytechnique, fraîchement créée, éprouve le besoin de classer ses élèves à la sortie. Ils mettent en place une notation sur 20 points, évitant ainsi les ex-aequo. La note est donc un outil qui permet de classer les apprenants, elle a été créée pour cela.

  • Au 19e siècle, le baccalauréat était évalué avec des smileys.

FAUX, bien sûr.

Mais pas tant que ça. Au 19e siècle, le baccalauréat est un examen oral, le candidat est évalué par un jury de 3 personnes. Chaque membre du jury évalue à l’aide d’une boule de couleur (les smileys de l’époque…). Boule rouge : admis, boule blanche : douteux, boule noire : mauvais. Il pouvait prétendre à une mention s’il n’obtenait que des boules rouges. La note sur 20 arrive au baccalauréat en 1890 puis par la suite se répand dans tout le secondaire puis le primaire.

  • La note varie d’un correcteur à un autre, qui peuvent aller jusqu’à 9 points pour une copie notée sur 20.

VRAI

Il s’agit de l’expérience fondatrice de la docimologie. En 1930, le professeur Laugier refait corriger 166 copies du concours de l’agrégation d’histoire. Les résultats furent étonnants : la moyenne des notes du premier correcteur dépassait de près de deux points celle du second. Le candidat classé avant dernier par l’un était classé second par l’autre. Les écarts de notes allaient jusqu’à 9 points. La moitié des candidats reçus par un correcteur était refusée par l’autre.

  • L’établissement d’un barème précis permet de diminuer voire d’annuler ces disparités entre correcteurs.

FAUX

Je vais illustrer ce point par une expérience réalisée en 1975. Un groupe de correcteur a travaillé pendant près de 15h à faire un barème très précis (au 6e de point près !) du BEPC. Malgré cet effort, on retrouve des copies dont la note varie entre 4 et 13. Pire, même après confrontation des correcteurs, il a été impossible de donner raison à l'un ou à l'autre. Pour la même réponse, certains voyaient “une réponse peu claire”, d “un bon raisonnement” et d’autres “un raisonnement faux”.

Il est admis aujourd’hui qu’une même copie corrigée avec un barème au point (chaque question est divisée en sous‐questions pour atteindre le barème : une question = un point) génère plus de différences qu’un barème large (les grandes questions sont notées avec un barème à 4 ou 5 points). La raison est liée au fait qu’avec un barème au point nous sommes plus enclins à attribuer 0 ou 1 à une question. Avec un barème large, nous hésitons plus à attribuer 0 ou 5. Or une somme de vingt 0 est égale à 0…

  • Une double correction (par deux correcteurs différents) permet d’obtenir une note exacte.

FAUX.

Par note exacte, on entend une moyenne de notes telle que l'adjonction d'une autre note ne modifie pas sensiblement cette moyenne. Les expériences de docimologie montrent que le nombre de correcteurs pour obtenir cette note exacte dépend de la matière, il est de 127 correcteurs en philosophie, 78 en composition française, 28 en anglais, 19 en version latine, 16 en physique, 13 en mathématiques. La double correction est donc un processus illusoire. Il n’améliore que peu la précision de la notation.

  • Une copie notée 15 est meilleure qu’une copie notée 13

FAUX.

Si cette copie est corrigée par des évaluateurs différents, nous avons vu que la dispersion des notes peut atteindre 9 points pour une même copie.

Pour un seul correcteur, les résultats ne sont pas meilleurs. Des chercheurs ont ainsi fait l’expérience suivante : à leur demande un professeur de physiologie de la Faculté des Sciences accepta 37 copies -dactylographiées et anonymes - qu'il avait corrigées trois ans et demi auparavant. Le degré d'accord de ce professeur avec lui-même ne fut pas plus élevé qu'avec deux de ses collègues chargés de la même tâche : les coefficients de corrélation atteignant respectivement 0,58, 0,59 et 0,56.

L'admissibilité, avec ses nouvelles notations, aurait été modifiée ; la moitié des précédents admissibles aurait été refusée et la moitié des refusés, déclarée admissible. Dans 7 cas seulement, il remit la même note au même devoir. Dans les 30 autres cas, il y eut des divergences comprises entre 1 et 10 points.

  • Les bons élèves sont surnotés

VRAI

C’est ce qu’on appelle “l’effet de halo”, celui qui fait que les bons élèves (= ceux que l’enseignant juge bon) performent mieux et sont mieux notés, juste à cause du regard de l’évaluateur (et non leurs performances propres).

Cet effet a été démontré en 1968 par Rosenthal et Jacobs. Ils ont confié 6 rats à deux équipes d’étudiants. Les étudiants devaient apprendre aux rats à traverser un labyrinthe. A une équipe d’étudiants, ils ont dit que les rats avaient été rigoureusement sélectionnés, c’étaient des rats “top-niveau”. Inversement, l’autre groupe a été informé que leurs rats avaient des difficultés, voir des dégénérations génétiques.

Bien évidemment, tous les rats étaient issus de la même lignée et associés au hasard. Et pourtant, les rats “brillants” ont tous traversé le labyrinthe alors que certains rats déficients n’ont même pas franchi la ligne de départ.

1968

  • L’énoncé “Résoudre dans R : 2000x+6000=10000” est plus difficile que “Résoudre dans R : 2x+6=10”

VRAI

Si on donne ce sujet à des élèves de 3e, 60% répondent correctement à la première et 80% correctement à la deuxième. Alors que pourtant, il s’agit du même sujet avec une simple multiplication par 1000. Plus frappant encore, si on pose la question “On achète deux pains, on donne dix francs, la marchande rend une pièce de cinq francs et une de un franc ; quel est le prix d'un pain ?” on obtient un taux de réponses correctes de 94%. Alors que l’équation est la même. Le résultat d’une évaluation dépend donc très étroitement du sujet au mot ou au nombre près. En tant qu’évaluateur, il est très difficile (voire impossible) de savoir à l’avance si notre sujet est difficile ou non.

  • Les bons élèves résistent mieux à la pression que les mauvais élèves

FAUX.

Ce résultat paradoxal a été démontré en 2010 par Sian Beilock, chercheuse américaine ayant travaillé sur l’effet du stress sur les conditions d’examen ou de compétition sportive. Plus généralement, la performance d’un élève lors d’un examen dépend de beaucoup de conditions extérieures, le stress bien sûr mais aussi la fatigue.

Pour en savoir plus : le livre de Sian Beilock “why we choke under pressure

  • Les enseignants jeunes notent plus sévèrement que les enseignants plus expérimentés

VRAI

Eh oui, les études scientifiques démontrent, qu’en moyenne, nous avons tendance à devenir de moins en moins sévères avec l’âge.

  • Les filles sont mieux notées que les garçons

CA DEPEND

En fait, cela dépend des matières. Effectivement, dans les langues ou les humanités, se sont les filles qui seront sur-notées. Alors que dans les disciplines scientifiques, l’évaluateur met des meilleurs notes aux garçons, à performance égale.

Plus généralement, la note dépend de ce que l’évaluateur sait des conditions sociale ou autre des candidats. C’est ce qu’on appelle l’effet de contexte.

  • Pour avoir une meilleure note, il est mieux que ma copie soit en fin de paquet, derrière une mauvaise copie.

VRAI

Ces résultats ont été démontré de façon répétés par des expériences de recherche. L’évaluateur est plus sévère en début de séance de correction. Et de même, il est influencé par la copie précédente. Il note plus sévèrement après une copie réussie et a tendance à sur-noter après une mauvaise copie.

C’est notamment pour cela qu’on conseille de corriger les copies d’examen exercice par exercice et non copie par copie.

  • Un bon évaluateur obtient une courbe de Gauss sur ces notes.

FAUX

Et pourtant, on a tendance inconsciemment à reproduire cette fameuse courbe de Gauss, vous savez, celle en cloche. Qui fait qu'on a toujours une partie des élèves pas bons, un ventre mou et des élèves de "tête de classe". Autrement dit, quelque soit la classe, on a tendance à adapter la difficulté du sujet et la sévérité de la correction pour obtenir un nombre de bons et de mauvais résultats qu’on juge acceptable.

C’est ce qu’on appelle la loi de Posthumus. Et le chercheur A. Antibi montre que cela exclue de façon automatique les étudiants en queue de classe, c’est la constante macabre. En effet, si je prends les 35 meilleurs patissiers de France et que je leur pose un examen, je vais me débrouiller pour qu'une partie échoue. Et donc dans toutes les classes, une partie des étudiants ne réussira pas, d'où le nom de constante macabre. Ce mécanisme est inconscient ce qui explique qu'il soit si difficile à éradiquer.

Voilà, j'espère que ce petit quiz vous aura appris quelques petites choses sur cette science de l'évaluation, que l'on appelle "la docimologie" !

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